L'usage du verre, matériau prestigieux réservé aux élites, s'est étendu en Égypte à partir de 1 500 av. J.-C. Les fouilles d'ateliers de production révèlent que les pharaons, initialement dépendants de sources d'approvisionnement mésopotamiennes, s'en sont très tôt affranchis.
Depuis la fin du XIXe siècle, les archéologues s'interrogeaient : les anciens Égyptiens, qui fabriquèrent des objets en verre dans la seconde moitié du IIe millénaire avant notre ère, produisaient-ils eux-mêmes la matière première, ou devaient-ils l'importer de Mésopotamie ? Thilo Rehren, de l'University College de Londres, et Edgar Pusch, du musée Pelizaeus de Hildesheim, en Allemagne, viennent d'apporter un début de réponse. Ils ont identifié, sur le site de l'ancienne ville de Pi-Ramsès, dans l'Est du delta du Nil, le plus ancien atelier égyptien de fabrication de verre, en fonctionnement à la fin du XIIIe siècle av. J.-C.
Dans l'Antiquité, le verre était une matière première précieuse, aux recettes de fabrication jalousement tenues secrètes. En outre, la maîtrise des hautes températures, nécessaire pour faire fondre le quartz, n'était pas à la portée de tous. Sa fabrication, sous forme de lingots, était réalisée dans des ateliers spécialisés.
Ces lingots, distribués à des ateliers de transformation, servaient de matériau de base pour la production de bijoux et de récipients. En Égypte, on avait identifié de tels ateliers de transformation du XIVe siècle av. J.-C., mais aucun atelier de production. Les plus anciens lingots connus dans la région provenaient de la cargaison d'un navire qui avait coulé vers 1315 av. J.-C. à Ulu Burun, sur la côte turque, sans que l'on sache toutefois d'où ils venaient.
Sur le site de Pi-Ramsès, l'analyse de plus d'un millier de tessons de poteries, dont certains portent encore des fragments de verre collés, a permis la reconstitution de deux types de récipients. Les premiers, de forme ovoïde, s'apparentent à des jarres d'usage domestique, et ont été chauffés vers 900 °C. Les seconds, des creusets cylindriques, ont subi des températures plus élevées.
Ces analyses ont conduit les archéologues à proposer que le verre était fabriqué en deux étapes. D'abord, un mélange de quartz et de cendres végétales riches en sodium, destinées à abaisser le point de fusion, était fondu dans les jarres. Puis, ce verre grossier, qui contenait des impuretés et des bulles d'air, était pilé, lavé, et on lui ajoutait des colorants minéraux. Le chauffage, vers 1 000 °C, produisait les lingots.
Cette découverte ne résout pas directement l'énigme des lingots d'Ulu Burun, plus anciens de près d'un siècle. Toutefois, les auteurs soulignent la similitude avec les creusets de Pi-Ramsès de fragments de céramique trouvés à El-Amarna, capitale du pharaon Akhénaton qui régna de 1375 à 1354 av. J.-C. Ainsi, tandis que celui-ci ordonnait l'importation de verre en Égypte, comme en témoigne l'inscription d'une tablette d'argile, il en faisait probablement déjà produire dans ses ateliers. Et l'un de ses successeurs en exporta peut-être vers l'Asie Mineure.